Dans ce texte, il s’agit d’articuler les travaux de recherche actuels sur l’intersubjectivité aux travaux psychanalytiques afin de relancer la mise en débat des modèles de compréhension des classifications psychiatriques classiques des psychoses (schizophrénie, paranoïa, mélancolie).

Ce texte s’appuie sur le croisement des publications scientifiques actuelles sur les différents éléments constituant les processus intersubjectifs (indifférenciation, agentivité, théorie de l’esprit, empathie, inter-intentionnalité…) avec les travaux de D.W. Winnicott (1959) proposant d’introduire une classification psychiatrique prenant en compte le degré et la qualité des distorsions ou des carences des liens avec l’environnement qui ont pu se produire à un stade dit « de dépendance maximale ».

Le croisement de ces deux approches peut permettre de rendre intelligible du rôle des liens intersubjectifs dans les organisations défensives distinguant les différentes formes de psychoses.

Il est possible d’esquisser une modélisation liant les pathologies psychotiques avec l’expression de troubles différenciés de l’intersubjectivité à partir de trois propositions. Et ainsi, de reprendre, sous une nouvelle forme, les propositions énoncées en 1959 par D.W. Winnicott. Dans la schizophrénie, l’expression de la souffrance psychique s’accompagne d’un brouillage de l’articulation entre indifférenciation et intersubjectivité. Dans la paranoïa, la pathologie se structure dans un trouble particulier dans la recherche de l’intention d’autrui, un trouble de « l’inter-intentionnalité » défini par R. Roussillon. Enfin, la mélancolie peut apparaître dans une rupture du lien empathique en l’absence de l’objet.

Cette modélisation ne se substitue pas aux grands ensembles théoriques psychanalytiques freudien, kleinien et lacanien. Elle peut cependant être l’occasion de développer un modèle permettant d’améliorer l’intelligibilité des liens intersubjectifs qui se tissent dans le cadre des traitements psychothérapiques des différentes formes de psychose alors qu’ils se présentent généralement sous une forme chaotique.

This article aims to link current research on intersubjectivity with psychoanalytical texts in order to reopen the debate on models for understanding the classical psychiatric classifications of psychoses (schizophrenia, paranoia, melancholy).

This text is based on a comparison of current scientific publications on the different elements constituting intersubjective processes (indifferentiation, agentivity, theory of mind, empathy, inter-intentionality..) with D. W. Winnicott's 1959 paper, in which he proposes a psychiatric classification that takes into account the degree and quality of the distortion or deficiency of the links with the environment that may have occurred at a stage of maximum dependence.

The intersection of these two approaches may make it possible to make the role of intersubjective links in defensive organizations intelligible, allowing us to better distinguish the different forms of psychosis.

It is possible to sketch a model linking psychotic pathologies with the expression of differentiated intersubjectivity disorders from three propositions. And thus, to take up, in a new form, the propositions articulated in 1959 by D. W. Winnicott. In schizophrenia, the expression of psychic suffering is accompanied by a blurring of the articulation between indifferentiation and intersubjectivity. In paranoia, the pathology is structured around a particular disorder in the search for the intention of others, a disorder of “inter-intentionality” as defined by R. Roussillon. Finally, melancholy can appear in a rupture of the empathic bond in the absence of the object.

This modeling does not replace the major Freudian, Kleinian, and Lacanian psychoanalytical theoretical ensembles. It can, however, make it possible to develop a model that improves the intelligibility of the intersubjective links that are woven in the context of psychotherapeutic treatments of the various forms of psychosis, even though they generally take a chaotic form.